Thursday, September 19, 2013

ISLANDE

AM | @HDI1780

"Les habitans de l’Islande professent la religion luthérienne" — d'Holbach

Il y a quelques mois, en vacances à Buenos Aires où je garde mon édition de l'Encyclopédie (Livourne : 1773-1775), j'avais eu la chance de repérer quelques articles non-scientifiques du baron d'Holbach. Malheureusement, j'avais perdu mes notes peu de temps après. Je viens d'en récupérer une partie. Dans l'article ISLANDE (Géog.), le baron ne résiste pas à la tentation de dénigrer « les peuples énervés du Midi » : « Chez un peuple si intrépide le gouvernement absolu étoit ignoré, l’on y étoit fortement attaché à la liberté qui a toûjours été le partage des pays du Nord, tandis que l’asservissement a été celui des peuples énervés du Midi ».

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Dans son remarquable livre La culture de Diderot, France Marchal attribue le mépris des peuples du Sud, que d'Holbach partage avec Diderot et Raynal, à l'un des « rares » préjugés de ... Montesquieu [1]. Ce préjugé aura de lourdes conséquences, puisqu'il mènera Napoléon Bonaparte à sous-estimer la capacité de résistance des Espagnols, ce qui donnera lieu finalement aux révolutions de 1810 en Amérique méridionale [2]. Mais revenons à ISLANDE et aux « maximes les plus remarquables » de l'Edda des Islandois :

« L’hôte qui vient chez vous a-t-il les genoux froids, donnez-lui du feu : celui qui a parcouru les montagnes a besoin de nourriture & de vêtemens bien séchés.

» Heureux celui qui s’attire la louange & la bienveillance des hommes ; car tout ce qui dépend de la volonté des autres, est hasardeux & incertain.

» Il n’y a point d’ami plus sûr en voyage qu’une grande prudence ; il n’y a point de provision plus agréable. Dans un lieu inconnu, la prudence vaut mieux que les trésors ; c’est elle qui nourrit le pauvre.

» Il n’y a rien de plus inutile aux fils du siecle, que de trop boire de biere ; plus un homme boit, plus il perd de raison. L’oiseau de l’oubli chante devant ceux qui s’enyvrent, & dérobe leur ame.

» L’homme dépourvu de sens, croit qu’il vivra toûjours s’il évite la guerre ; mais si les lances l’épargnent, la vieillesse ne lui fera point de quartier.

» L’homme gourmand mange sa propre mort ; & l’avidité de l’insensé est la risée du sage.

» Aimez vos amis, & ceux de vos amis ; mais ne favorisez pas l’ennemi de vos amis.

» Quand j’étois jeune, j’étois seul dans le monde ; il me sembloit que j’étois devenu riche quand j’avois trouvé un compagnon ; un homme fait plaisir à un autre homme.

» Qu’un homme soit sage moderément, & qu’il n’ait pas plus de prudence qu’il ne faut ; qu’il ne cherche point à savoir sa destinée, s’il veut dormir tranquile.

» Levez-vous matin si vous voulez vous enrichir ou vaincre un ennemi : le loup qui est couché ne gagne point de proie, ni l’homme qui dort de victoires.

» On m’invite à des festins lorsque je n’ai besoin que d’un déjeuner ; mon fidele ami est celui qui me donne un pain quand il n’en a que deux.

» Il vaut mieux vivre bien, que long-tems ; quand un homme allume son feu, la mort est chez lui avant qu’il soit éteint.

» Il vaut mieux avoir un fils tard que jamais : rarement voit-on des pierres sépulcrales élevées sur les tombeaux des morts par d’autres mains que celles de leurs fils.

» Les richesses passent comme un clin d’œil ; ce sont les plus inconstantes des amies. Les troupeaux périssent, les parens meurent ; les amis ne sont point immortels, vous mourrez vous-même : Je connois une seule chose qui ne meurt point, c’est le jugement qu’on porte des morts.

» Louez la beauté du jour, quand il est fini ; une femme, quand vous l’aurez connue ; une épée, quand vous l’aurez essayée ; une fille, quand elle sera mariée ; la glace, quand vous l’aurez traversée ; la biere, quand vous l’aurez bûe.

» Ne vous fiez pas aux paroles d’une fille, ni à celles que dit une femme ; car leurs cœurs ont été faits tels que la roue qui tourne ; la légereté a été mise dans leurs cœurs. Ne vous fiez ni à la glace d’un jour, ni à un serpent endormi, ni aux caresses de celles que vous devez épouser, ni à une épée rompue, ni au fils d’un homme puissant, ni à un champ nouvellement semé.

» La paix entre des femmes malignes est comme de vouloir faire marcher sur la glace un cheval qui ne seroit pas ferré, ou comme de se servir d’un cheval de deux ans, ou comme d’être dans une tempête avec un vaisseau sans gouvernail.

» Il n’y a point de maladie plus cruelle, que de n’être pas content de son sort.

» Ne découvrez jamais vos chagrins au méchant, car vous n’en recevrez aucun soulagement.

» Si vous avez un ami, visitez-le souvent ; le chemin se remplit d’herbes, & les arbres le couvrent bien-tôt, si l’on n’y passe sans cesse.

» Ne rompez jamais le premier avec votre ami ; la douleur ronge le cœur de celui qui n’a que lui-même à consulter.

» Il n’y a point d’homme vertueux qui n’ait quelque vice, ni de méchant quelque vertu.

» Ne vous moquez point du vieillard, ni de votre ayeul décrépit, il sort souvent des rides de la peau des paroles pleines de sens.

» Le feu chasse les maladies ; le chêne la strangurie ; la paille détruit les enchantemens ; les runes détruisent les imprécations ; la terre absorbe les inondations ; la mort éteint les haines ».

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[1] France Marchal. La culture de Diderot. Paris : Honoré Champion, 1999. 


[2] Voir à ce sujet Agustin Mackinlay : « Une "heureuse révolution dans les idées" : l'Histoire des deux Indes et l'indépendance de l'Amérique méridionale », Alvar de la Llosa & Thomas Gomez (ed.) L'indépendance de l'Amérique andine et l'Europe (1767-1840). Université Paris Ouest Nanterre La Défense, 2011.

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