Wednesday, June 20, 2012

COMMERCE & COMMUNICATION. JEAN-JACQUES & L'HISTOIRE DES DEUX INDES (III)
"...le fléau des préjugés..." — Raynal

AM | @HDI1780

Jean-Jacques Rousseau n'aime pas le commerce, qu'il considère comme une des plus importantes sources d'inégalité: "Empêcher l'exportation des denrées c'est couper par la racine les grandes possessions", lit-on dans les "Fragments séparés" du Projet de Constitution pour la Corse. Et qui dit inégalité dit instabilité politique. Dans le Contrat social, il vante le "mépris pour le commerce" des Romains, qu'il présente comme la clef de voûte de la stabilité de leurs institutions (iv.4). Dans ses écrits sur l'abbé de Saint-Pierre, Rousseau jette le blâme sur les "idées de commerce et d'argent" qui font qu' "aucune maxime stable" soit possible en Europe [voir]. Le contraste avec l'Histoire des deux Indes, cela va sans dire, est frappant. En fait, Guillaume-Thomas Raynal soutient précisemment la thèse opposée:

Qu'on nous vante les Spartiates, les Egyptiens, & toutes les nations qui ont été plus fortes, plus grandes & plus stables dans l'état de séparation qu'elles s'étoient imposé. Le genre-humain n'a rien gagné dans ces institutions singulieres. Mais l'esprit de commerce est utile à toutes les nations, en leur communicant les biens & les lumières de chacune (HDI 1780, ii.7, p. 215).

La communication, voilà le problème! Piégé par son humanisme clôturé, Jean-Jacques écrit: "Tout ce qui facilite la communication entre les diverses nations porte aux nues, non les vertus des autres, mais leurs crimes" (Préface de Narcisse). Raynal, par contre, fait l'apologie de la communication. Certes, il n'en cache pas les risques: "Le pian, qui est la seconde maladie particulière aux nègres, & qui les suit d’Afrique en Amérique, se gagne par naissance, & se contracte par communication" (HDI 1780, xi.22) (*). Mais c'est bel et bien l'optimisme qui l'emporte:

 ...une communication sûre & facile avec l’Afrique... (x.12)

...toute communication étoit interrompue entre ces grands établissemens & leur métropole... (x.16)

La communication de la ville avec l’intérieur du pays... (x.16)

La communication de ces deux villes Maures... (xi.8)

...la communication de nos lumières... (xi.9)

Une communication si naturelle entre des côtes qui se regardent... (xi.9)

Le vuide que forme nécessairement ce défaut de communication seroit rempli... (xi.9)

...une communication suivie entre les peuples des terres & ceux de la côte... (xi.11)

...le mettre en communication suivie avec des peuples laborieux. (xii.7)

...l’avantage de devenir le point de communication entre la colonie & la métropole. (xii.22)

...tout espoir de r’ouvrir une communication qui n’avoit langui que par des erreurs passagères. (xii.23)

...vouloir le priver des commodités & des avantages qu’il peut trouver dans une communication suivie ou passagère avec ses propres concitoyens. (xii.29)

...& l’on ouvrit une communication facile entre la Guadeloupe & la Grande-Terre... (xii.31)

...c’est avec l’Amérique Septentrionale que Saint-Domingue entretient une communication plus suivie & plus nécessaire. (xii.45)

....cette communication, si nécessaire à une nation qui fait cause commune avec elle... (xii.48)

On creusera un lit aux torrens; celui des rivières sera redressé; & l’on construira des ponts qui assureront les communications. (xiii.57)

La communication entre les peuples alloit être le fléau des préjugés: elle ouvroit une porte à l’industrie & aux lumières. (xiv.2)

(*) Voir la célèbre
introduction de l'Histoire des deux Indes: "...part-tout les hommes ont fait un échange mutuel de leurs opinions, de leurs loix, de leurs usages, de leurs maladies, de leurs remedes, de leurs vertus & de leurs vices".
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